En plus de dix ans passés sous les couleurs lensoises, Guillaume Warmuz a vu bien des joueurs impressionnants sur le plan physique. « Mais Papa, c’était une force, explique l’ancien gardien. Il me faisait penser à Marc-Vivien Foé, même si Marco était plus longiligne. Quand je dégageais le ballon, je cherchais sa tête sur la ligne médiane et c’était cent pour cent de réussite pour lui. Vu son physique, il avait aussi une tonicité étonnante. » Techniquement, le joueur arrivé des Grasshoppers de Zurich en janvier 2002 n’était pas un artiste, loin de là. Mais il avait cette faculté à se projeter, pour un milieu défensif, qui en faisait un milieu box to box bien avant que le terme ne soit à la mode. À l’entraînement, il en imposait naturellement. « Il y avait un exercice en un contre un, se souvient Mounir Diane. Le coach mettait le ballon au milieu et on devait se jeter pour être le premier. Il arrivait à fond en face. Je lui ai sciemment laissé le ballon.
»
Éric Sikora : « Personne n’osait chambrer Papa ! »
Lorsqu’il était revenu de la Coupe du monde 2002, où ses Lions de la Téranga, menés par le Nordiste Bruno Metsu, avaient atteint les quarts de finale, Papa Bouba Diop n’avait pas fanfaronné. Il souriait presque timidement lorsque ses équipiers artésiens lui rappelaient ce but en ouverture de la compétition, face aux Bleus champions du monde en titre (0-1). « Ce but a fait de lui un héros dans son pays, reprend Gervais Martel, qui se rend régulièrement au Sénégal. À chaque fois que j’allais là-bas, il y avait toujours quelqu’un pour me parler de ce but et me demander de ses nouvelles. » L’équipe sénégalaise avait alors de nombreux supporters du côté de Bollaert. « On avait El Hadji (Diouf), Ferdinand (Coly) et Pape Sarr dans l’équipe, explique Éric Sikora. Il y avait une super ambiance. Ils étaient différents les uns des autres, parce qu’El-Hadji, lui, c’était un phénomène… Ils parlaient parfois dans leur dialecte. On était content pour eux après la Coupe du monde. Est-ce qu’on le chambrait pour ce but ? Non, personne n’osait chambrer Papa ! (rires). »
Vidéo RCL-Archives
Particulièrement touché par le décès du milieu de terrain, Éric Sikora parle d’un « nounours ». «
Tu ne l’entendais jamais, il était impossible de s’embrouiller avec lui. Quand il avait quelque chose à dire, il le disait. Ça me rend profondément triste. Je l’avais croisé à Lens au tout début de sa maladie. Je suis content d’avoir gardé cette image de lui. C’était une masse physique et un grand bonhomme dans la vie. Un mec extraordinaire. » Michel Ettorre acquiesce. « Le contraste était saisissant, raconte l’ancien entraîneur des gardiens lensois. Il avait une sacrée carcasse et une telle gentillesse. Il nous faisait rire aussi, parfois, dans sa grande sympathie. Je me souviens d’un stage au Touquet où on avait fait une séance de run and bike. Mais Papa ne savait pas monter sur un vélo. On avait eu du mal à régler son VTT. Un moment extraordinaire. » Dans le vestiaire, Mounir Diane évoque un camarade «
tranquille
» mais qui n’était pas le dernier à rigoler «
notamment avec Rigobert Song. » Le Marocain poursuit : « Pour moi, qui étais un jeune du groupe, c’était un grand frère. Il me donnait des conseils. Sa présence était tellement rassurante. Sur le terrain, c’est le type de mecs que tu préférais avoir dans ton camp qu’en face. »
De gauche à droite : Daniel Moreira, Cyril Rool, Seydou Keita et Papa Bouba Diop. PHOTO LUDOVIC MAILLARD – VDNpqr
Michel Ettorre : « Il aurait pu jouer dans de plus grands clubs »
Papa Bouba Diop avait quitté le Racing à l’été 2004, après avoir été vice-champion de France, participé à la Ligue des champions et à une campagne en Coupe UEFA. Gervais Martel se souvient de son départ. « Il était venu me voir presque timidement, avec toute sa douceur, m’expliquant qu’il avait des opportunités en Angleterre, qu’il aimerait y aller. Évidemment, financièrement, c’était pour lui une opportunité à ne pas manquer. » Il avait signé à Fulham, avant de bourlinguer de Portsmouth à Birmingham, en passant par l’AEK Athènes et West Ham. Avant de revenir s’installer dans le Pas-de-Calais, là où il avait fondé une famille. « Il aurait pu jouer dans de plus grands clubs, estime le Lorrain Michel Ettorre, qui réside dans l’Arrageois. Son retour dans la région n’était pas étonnant. On s’attache vite aux gens d’ici.
» Gervais Martel conclut : « Papa Bouba Diop, c’était un gentleman. »
Le 12 avril 2003, le RC Lens s’impose au Parc des princes face au PSG (1-0). PHOTO LUDOVIC MAILLARD – VDNpqr
Papa Bouba Diop a inscrit 8 buts en 57 matchs avec le RC Lens. PHOTO LUDOVIC MAILLARD – VDNpqr
Au duel avec le Sochalien Souleymane Diawara, en fin de saison 2003-2004, pour une large victoire artésienne à Bonal (0-3). PHOTO LA VOIX DU NORD – VDN